Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/252

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LE TRIUMVIRAT.

(À Julie.)

Je vous rends à Pompée, en lui rendant la vie ; 11 n’aurait rien reçu s’il vivait sans Julie.

(À Pompoo.)

Sois pour ou contre nous, brave ou subis nos lois,

Sans te craindre ou t’aimer je t’en laisse le choix.

Soutenons à l’envi les grands noms de nos pères,

Ou généreux amis, ou nobles adversaires.

Si du peuple romain tu te crois le vengeur,

i\e sois mon ennemi que dans les champs d’honneur ;

Loin du triumvirat va chercher un refuge.

Je prends entre nous deux la victoire pour juge.

Ne versons plus de sang qu’au milieu des hasards ;

Je m’en remets aux dieux, ils sont pour les Césars.

l’honneur de l’être comme Constantinople, où du moins la race des Ottomans est ]-cspectéo. L’empire romain eut très-rarement trois empereurs de suite de la même famille depuis Néron. Rome n’eut jamais d’autre consolation que celle de voir les empereurs égorgés par les soldats. Saccagée enfin plusieurs fois par les Barbares, elle est réduite à l’état où nous la voyons aujourd’hui.

Je finirai par remarquer ici que l’entreprise désespérée que le poëte attribue à Sextus Pompée et à Fulvie est un trait de furieux qui veulent se venger à quelque prix que ce soit, sûrs de perdre la vie en se vengeant ; car si l’auteur leur donne cjuelque espérance de pouvoir faire déclarer les soldats en leur faveur, c’est plutôt une illusion qu’une espérance. Mais enfin ce n’est pas un trait d’ingratitude lâche comme la conspiration de Cinna. Fulvie est criminelle, mais le jeune Pompée ne Test pas. Il est proscrit, on lui enlève sa femme ; il se résout à mourir, pourvu qu’il punisse le tyran et le ravisseur. Auguste fait ici une belle action en le laissant aller comme un brave ennemi qu’il veut combattre les armes à la main. Cette générosité même est préparée dans la pièce par les remords qu’Octave éprouve dès le premier acte. Mais assurément cette magnanimité n’était pas alors dans le caractère d’Octave : le poëte lui fait ici un honneur qu’il ne méritait pas.

Le rôle qu’on fait jouer à Antoine est peu de chose, quoique assez conforme à son caractère : il n’agit point dans la pièce ; il y est sans passion ; c’est une figure dans l’ombre, qui ne sert, à mon avis, qu’à faire sortir le personnage d’Octave. Je pense que c’est pour cette raison que le manuscrit porte seulement pour titrie Octave et le jeune Pompée, et non pas le Triumvirat ; mais j’y ai ajouté ce nouveau titre, comme je le dis dans ma préface, parce que les triumvirs étaient dans l’Ile, et que les proscriptions furent ordonnées par eux.

J’aurais beaucoup de choses à dire sur le caractère barbare des Romains depuis Sylla jusqu’à la bataille d’Actium, et sur leur bassesse après qu’Auguste les eut assujettis. Ce contraste est bien frappant : on vit des tigres changes en chiens de chasse qui lèchent les pieds de leurs maîtres.

On prétend que Caligula désigna consul un cheval de son écurie ; que Domiticn consulta les sénateurs sur la sauce d’un turbot ; et il est certain que le sénat romain rendit en faveur de Pallas, affranchi de Claude, un décret qu’à peine on eût porté, du temps de la république, en faveur de Paul-Émile et des Scipions. {Note de Voltaire.)