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250 VARIANTES DU T III IM VIRAT.

Dos plaisirs passagers connut la folle ivresse ;

J’ai (iicrché comme vous, au sein des voluptés,

L’oubli de mes chagrins et de mes cruautés.

Plus endurci que moi, vous bravez l’amertume

De ce remords secret dont l’horreur me consume.

Vous ne connaissez pas ces tourments douloureux

D’un esprit entraîné par de contraires vœux,

Qui fait le mal qu’il hait, et fuit le bien qu’il aime,

Qui cherche à se tromper, et qui se hait lui-même.

Je passai du carnage à ces égarements

Dont les honteux attraits flattaient en vain mes sons.

J’ai cru qu’en terminant la discorde civile,

J’aurais près de Julie un destin plus tranquille :

Je suis cncor trompé ; l’amour, l’ambition.

L’espoir, le repentir, tout n’est d’illusion.

ANTOINE.

Peut-être que Julie, en ces lieux amenée, Venait entre vos mains mettre sa destinée.

OCTAVE.

Non, je ne le puis croire.

ANTOINE.

Il n’appartient qu’à vous De régler ses destins, de choisir son époux. Elle a pu, dans ces jours de vengeance et d’alarmes. Apporter à vos pieds ses terreurs et ses larmes ; Vous en serez instruit.

OCTAVE.

Quoi ! dans ses jeunes ans. S’arracher sans scrupule au sein de ses parents ! Vous savez les soupçons dont mon âme est frappée.

ANTOINE.

On dit qu’elle est promise à ce jeune Pompée.

OCTAVE.

C’est mon rival en tout. Ce redoutable nom Sera dans tous les temps l’horreur de ma maison. En vain notre puissance à Rome est établie ; Il soulève la terre, il règne sur Julio ; Et Julie en secret a peut-être aujourd’hui L’audacieux projet de s’unir avec lui. De son sexe autrefois la timide décence ]\aurait jamais connu cet excès d’imprudence. Mais la guerre civile, et surtout nos fureurs. Ont corrompu les lois, les esprits, et les mœurs. Aujourd’hui rien n’effraye, et tout est légitime : Notre fatal empire est le siècle du crime.

ANTOINE.

Je ne vous connais plus, et depuis quelques jours Un repentir secret règne en tous vos discours ; Je ne vous vois jamais d’accord avec vous-même.

OCTAVE.

N’en soyez point surpris, si vous savez que j’aime.

ANTOINE.

Rien ne m’a subjugué. Peut-être quelque jour Comme César et vous je connaîtrai l’amour.