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VARIANTES DU TRIUMVIRAT. 237

Je goûtais, je l’avoue, un sommeil bien funeste.

Il semble qu’en effet quelqu’^ pouvoir céleste

Persécute mes nuits, et grave dans mon cœur

Des traits de désespoir et des tableaux d’horreur.

Je vois des morts, du sang, des tourments qu’on apprûto ;

Je vois le fer vengeur suspendu sur ma tête ;

On m’abreuve du sang des Romains expirants.

Cci^ fantômes affi’eux fatiguaient tous mes sens »

Mon âme succombait d’épouvante frappée,

J’entendais une voix qui me criait : Pompée !

Je tressaille à ce nom, je m’arrache au sommeil ;

Le sang d’Icile mort me couvre à mon réveil.

Je m’arme, je m’écrie ; on saisit le perfide.

On n’aperçoit en lui qu’un Africain timide,

Un malheureux sans force, interdit, désarmé.

De qui la voix tremblante et l’œil inanimé

Nous découvraient assez qu’un si lâche coupable

D’un meurtre aussi hardi n’a point été capable.

Lui-même il en ignore et la cause et Tauteur,

Et pour oser tromper il a trnp diî terreur.

L’indomptable Fulvie a-t-elle en sa colère

Employé pour me perdre une main mercenaire.

Tandis que de la sienne elle osait vous frapper ?

ANTOINE.

L’assassin, tel qu’il soit, ne nous peut échapper.

OCTAVE.

Est-ce quelque proscrit qui, jusqu’en ces contrées. Ose armer contre nous ses mains désespérées ; Et dans l’égarement se vengeant au hasard. Venait porter la mort aux lieux dont elle part ?

ANTOINE.

L’esclave nous a peint ce mortel téméraire ; Il ignorait, dit-il, son dessein sanguinaire.

OCTAVE.

Mais il est cà Fulvie.

ANTOIN K.

Une femme en fureur Sans doute a contre nous trouvé plus d’un vengeur ; Elle a pu ie choisir dans une foule obscure. Casca fit à César la première blessure. Les plus vils des humains, ainsi que les plus grands, S’armeront contre nous, puisqu’on nous croit tyrans. Ne nous attendons pas à des destins tranquilles. Mais aux meurtres secrets, mais aux guerres civiles, Aux complots renaissants, aux conspirations ; C’est le fruit éternel de nos proscriptions ; Il est semé par nous, en voibà les prémices. Les dieux à nos desseins ne sont pas moins propices ; Notre empire absolu n’est pas moins cimenté ; On ne peut le chérir, mais il est redouté. La terreur est la base où le pouvoir se fonde ; Et ce n’est qu’à ce prix qu’on gouverne le monde.

OCTAVE.

Que n’ai-jc pu régner par des moyens plus doux ! 6. — Théâtre. V. 17