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BERTHE, à Acanthe.

Viens avec moi.Quoi donc ! sans sourciller ? Mais parlez donc.

ACANTHE.

Mais parlez donc. À qui puis-je parler ?

DIGNANT.

Chez le baillif, ma bonne, allons l’attendre,
Sans la gêner, et laissons-lui reprendre
Un peu d’haleine.

ACANTHE.

Un peu d’haleine. Ah ! croyez que mes sens Sont pénétrés de vos soins indulgents ; Croyez qu’en tout je distingue mon père.

MATHURIN.

Madame Berthe, on ne distingue guère
Ni vous ni moi : la belle a le maintien
Un peu bien sec, mais cela n’y fait rien ;
Et je réponds, dès qu’elle sera nôtre,
Qu’en peu de temps je la rendrai tout autre.

(Ils sortent.)
ACANTHE.

Ah ! que je sens de trouble et de chagrin !
Me faudra-t-il épouser Mathurin ?


Scène VI.

ACANTHE, COLETTE.
COLETTE.

Ah ! n’en fais rien, crois-moi, ma chère amie.
Du mariage aurais-tu tant d’envie ?
Tu peux trouver beaucoup mieux… que sait-on ?
Aimerais-tu ce méchant ?

ACANTHE.

Aimerais-tu ce méchant ?Mon Dieu, non.
Mais, vois-tu bien, je ne suis plus soufferte
Dans le logis de la marâtre Berthe ;
Je suis chassée ; il me faut un abri ;
Et par besoin je dois prendre un mari.
C’est en pleurant que je cause ta peine.