Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/292

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J’aimai de ces Persans les mœurs nobles et fières.
Je sais que les humains sont nés égaux et frères ;
Mais je n’ignore pas que l’on doit respecter
Ceux qu’en exemple au peu])le un roi veut présenter ;
Et la simplicité de notre république
N’est point unéleçon pour l’état monarchique.
Craignais-tu qu’un ami te fût moins attaché ?
Crois-moi, tu t’abusais.

SOZAME.

Si je t’ai tant caché
Mes honneurs, mes chagrins, ma chute, ma misère,
La souVcc de mes maux, pardonne au cœur d’un père
J’ai tout perdu : ma fille est ici sans appui ;
Et j’ai craint que le crime, et la honte d’autrui
Ne rejaillît sur elle et ne flétrît sa gloire.
Apprends d’elle et de moi la malheureuse histoire.

(Ils s’asseyent tous deux.) HEP.MODAN.

Sèche tes pleurs, et parle.

SOZAME.

Apprends que sous Cyrus
Je portais la terreur aux peuples éperdus.
Ivre de cette gloire à qui l’on sacrifie,
Ce fut moi dont la main subjugua l’Hircanie,
Pays libre autrefois.

HERMODAN.

Il est bien malheureux ; 11 fut lil)re.

SOZAME.

Ah ! crois-moi, tous ces exploits affreux’.
Ce grand art d’opprimer, trop indigne du brave,
D’être esclave d’un roi pour faire un peuple esclave,
De ramper par fierté pour se faire obéir.
M’ont égaré longtemps, et font mon repentir…
Enfin Cyrus, sur moi, répandant ses largesses,
M’orna de dignités, me combla de richesses ;
À ses conseils secrets je fus associé.
Mon protecteur mourut, et je fus oublié. J’abandonnai Cambyse, illustre téméraire,

1. Voyez la seconde préface, page 271.