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296 LES SCYTHES.

11 uest plus temps, dit-il : il a pu sans pitié Voir son roi repentant, son maître humilié ! Ami, quand nous i)ercions cette horde assemblée, J’ai vu près de l’autel une femme voilée. Qu’on a soudain soustraite à mon œil égaré. Quel est donc cet autel de guirlandes paré ? Quelle était cette fête en ces lieux ordonnée ? Pour qui brûlaient ici les flambeaux (fhj menée ? Ciel ! quel temps je prenais ! À cet aspect d’horreur Mes remords douloureux se changent en fureur, (Irands dieux, s’il était vrai !

H IRC AN.

Dans les lieux où vous êtes (jardez-vous d’écouter ces fureurs indiscrètes : Respectez, croyez-moi, les modestes foyers D’agrestes habitants, mais de vaillants guerriers, Qui, sans ambition, comme sans avarice. Observateurs zélés de l’exacte justice, Ont mis leur seule gloire en leur égalité, De qui vos grandeurs même irritent la fierté. N’allez point alarmer leur noble indépendance ; ’ Ils savent la défendre ; ils aiment la vengeance ; Ils ne pardonnent point quand ils sont offensés.

ATHAMARE.

Tu t’abuses, ami ; je les connais assez ;

J’en ai vu dans nos camps, j’en ai vu dans nos villes,

De ces Scythes altiers, à nos ordres dociles.

Qui briguaient, en vantant leurs stériles climats,

L’honneur d’être comptés au rang de nos soldats \

HIRCAX. /

Mais, souverains chez eux…

ATHAMARE.

Ah ! c’est trop contredire Le dépit qui me ronge, et l’amour qui m’inspire : Ma passion m’emporte, et ne raisonne pas. Si j’eusse été prudent, serais-je en leurs États ? Au bout de l’univers Obéide m’entraîne ; Son esclave échappé lui rapporte sa cliaîne, Pour l’enchaîner moi-même au sort qui me poursuit, Pour l’arracher des lieux où sa douleur me fuit,

1. Il s’agit ici des Suisses mercenaires au service de la France. (G. A.)