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AVIS AU LECTEUR. 337

Qu’on cesse de livrer aux flammes, au pillage, Ces arciùves de lois, ce long amas d’écrils, Tous ces fruits du génie, objets de vos mépris. Si l’erreur les dicta, cette erreur m’est utile ; Elle occupe ce peuple, et le rend plus docile.

Ce discours est très-convenable dans la bouche d’un prince sage, qui parle à des Tartares ennemis des lois et de la science. Voici ce que l’éditeur a mis à la place :

Cessez de mutiler tous ces grands monuments Échappés aux fureurs des flammes, du pillage.

Toute la fin de la tragédie de Zulimc est ridiculement altérée. Une fille qui a trahi, outragé, attaqué son père, qui sent tous ses crimes et qui s’en punit, à qui son père pardonne, et qui s’écrie dans son désespoir : « J’en suis indigne », doit faire un grand effet. On a tronqué et altéré cette fin, et on finit la pièce par une phrase qui n’est pas même achevée. Les vers impertinents qu’on a mis dans Ohjmpie sont dignes d’une telle édition. En voici un qui me tombe sous la main :

Ne viens point, malheureux, par différents efforts…

En un mot, l’auteur doit, pour l’honneur de l’art, encore plus que pour sa propre justification, précautionner le lecteur contre cette édition de Duchêne, qui n’est qu’un tissu de fautes et de falsifications. Il n’est pas permis de s’emparer des ouvrages d’un homme, de son vivant, pour les rendre ridicules. On a pris à tâche de gâter les expressions, de substituer des liaisons à des scènes plus impertinemment tronquées. Cette manœuvre a été poussée à un tel excès que les comédiens de province eux-mêmes, révoltés contre la licence et le mauvais goût qui défiguraient la tragédie d’Olympie, n’ont jamais voulu la jouer comme on l’a représentée à Paris.

Ce n’est pas assez d’être parvenu à corrompre presque tous les ouvrages qu’un homme a composés pendant plus de cinquante années ; tantôt on publie sous son nom de prétendues Lettres secrètes, tantôt ce sont des Lettres à ses amis du Parnasse, qu’on fabrique en Hollande ou dans Avignon, et puis c’est son Portefeuille retrouvé \

1. Le Portefeuille trouvé, ou Tablettes d’un curieux, 1757, in-12, et 1757, deux volumes in-12. Cette dernière est plus ample et a un Avertissement différent. (B.)

6. — Théâtre, V. 22