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378 CIIAIILOÏ.

SCÈNE II.

JULIE, L’INTENDANT.

JULIE.

Ail ! je respire enfin… Madame évanouie Reprend un peu ses sens et sa force affaiblie ; Ses femmes à l’envi, les miennes, tour à tour, Rendent ses yeux éteints à la clarté du jour. Faut-il qu’en cet état la nourrice fidèle, Devant la secourir, ne soit pas auprès d’elle ! Vainement je la cherche, on ne la trouve pas.

l’intendant. Elle éprouve elle-même un funeste embarras ; Par une fausse porte elle s’est éclipsée : Je prends part aux chagrins dont elle est oppressée ; Elle est, pour son malheur, mère du meurtrier.

JULIE.

l^ourquoi nous fuir ? pourquoi de nous se défier ? Le roi viendra bientôt : son seul aspect fait grâce, Son grand cœur doit la faire.

l’intendant.

On peut punir l’audace D’un bourgeois champenois qui tue un grand seigneur L’exemple est dangereux après ces temps d’horreur Où l’État, déchiré par nos guerres civiles. Vit tous les droits sans force, et les lois inutiles. À peine nous sortons de ces temps orageux. Henri, qui fait sur nous briller des jours heureux. Veut que la loi gouverne, et non pas qu’on la brave.

JULIE.

Non, le brave Henri ne peut punir un brave. Je suis la cause, hélas ! de cet affreux malheur ; Ne me reprochant rien, dans ma simple candeur, J’ai cru qu’on n’avait point de reproclie à me faire. Ce malheureux marquis, dans sa sotte colère. Se croyant tout permis, a forcé cet enfant A tuer son seigneur, et fort innocemment. Je saurai recourir à la clémence auguste, Aux bontés de ce roi galant autant que juste ;