Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/419

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NINON.

Vous pouvez, croyez-moi, le penser sans scrupule :
On peut être à la fois fripon et ridicule.
Avec son verbiage et ses fades propos,
Ce fat dans le quartier séduit les idiots.
Sous un amas confus de paroles oiseuses
Il pense déguiser ses trames ténébreuses.
J’aime fort la vertu ; mais, pour les gens sensés,
Quiconque en parle trop n’en eut jamais assez.
Plus il veut se cacher, plus on lit dans son âme ;
Et que ceci soit dit et pour homme et pour femme.
Enfin, je ne veux point, par un zèle imprudent,
Garantir la vertu de ce monsieur Garant.


LE JEUNE GOURVILLE.

Ma foi, ni moi non plus.



Scène VI

.

Ninon, Le Jeune Gourville, Lisette
NINON.

Eh bien ! Chère Lisette,
Ma petite ambassade a-t-elle été bien faite ?
Son frère a-t-il de vous reçu son contingent ?


LISETTE.

Oui, madame, à la fin il a reçu l’argent.


NINON.

Est-il bien satisfait ?

LISETTE.

Point du tout, je vous jure.


NINON.

Comment ?


LISETTE.

Oh ! Les savants sont d’étrange nature.
Quel étonnant jeune homme, et qu’il est triste et sec !
Vous l’eussiez vu courbé sur un vieux livre grec ;
Un bonnet sale et gras qui cachait sa figure,
De l’encre au bout des doigts, composaient sa parure ;
Dans un tas de papiers il était enterré ;
Il se parlait tout bas comme un homme égaré ;
De lui dire deux mots je me suis hasardée ;