Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/424

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Me font pitié, monsieur, j’en prévois trop la suite.
Vous ferez à coup sur une mauvaise fin.
Je ne puis plus souffrir un si grand libertin.
De cette maison-ci je connais les scandales ;
Il en peut arriver des choses bien fatales :
Déjà monsieur Garant m’en a trop averti.
Je n’y veux plus rester, et j’ai pris mon parti.


LE JEUNE GOURVILLE.

Son accès le reprend.


GOURVILLE L’AÎNÉ.

Monsieur Garant, mon frère,
Que vous calomniez, est d’un tel caractère
De probité, d’honneur… de vertu… de…


LE JEUNE GOURVILLE.

Je vois
Que déjà son beau style a passé jusqu’à toi.


GOURVILLE L’AÎNÉ.

Il met discrètement la paix dans les familles ;
Il garde la vertu des garçons et des filles :
Je voudrais jusqu’à lui, s’il se peut, m’exalter.
Allez dans le beau monde ; allez vous y jeter ;
Plongez-vous jusqu’au cou dans l’ordure brillante
De ce monde effréné dont l’éclat vous enchante ;
Moquez-vous plaisamment des hommes vertueux ;
Nagez dans les plaisirs, dans ces plaisirs honteux,
Ces plaisirs dans lesquels tout le jour se consume,
Et la douceur desquels produit tant d’amertume.


LE JEUNE GOURVILLE.

Pas tant.


GOURVILLE L’AÎNÉ.

Allez, je sais tout ce qu’il faut savoir.
J’ai bien lu.

LE JEUNE GOURVILLE.

Va, lis moins, mais apprends à mieux voir.
Tu pourras tout au plus quelque jour faire un livre.
Mais dis-moi, mon pauvre homme, avec qui peux-tu vivre ?

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Avec personne.

LE JEUNE GOURVILLE.

Quoi ! tout seul dans un désert ?

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Oh ! Je fréquenterai souvent madame Aubert.