Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
LISETTE.

Va, je te jure
Que les honneurs chez moi ne changent point les mœurs ;
Je t’aime, et je ne puis être contente ailleurs.

PICARD.

Allons, il faudra donc se résoudre d’attendre.
Et quel est ce monsieur que madame va prendre ?

LISETTE.

La peste ! c’est un homme extrêmement puissant,
Marguillier de paroisse, ayant beaucoup d’argent ;
Sur son large visage on voit tout son mérite ;
Homme de bon conseil, et qui souvent hérite
Des gens qui ne sont pas seulement ses parents.
Il a toujours, dit-on, vécu de ses talents ;
Il est le directeur de plus de vingt familles :
Il peut faire aisément beaucoup de bien aux filles.
C’est ce monsieur Garant qui vient dans la maison.

PICARD.

Bon ! l’on m’a dit à moi qu’il est gueux et fripon.

LISETTE.

Eh bien ! que fait cela ? Cette friponnerie
N’empêche pas, je crois, qu’un homme se marie.
Il m’a promis beaucoup.

PICARD.

Plus qu’il ne te tiendra…
Quoi ! c’est lui qu’aujourd’hui madame épousera ?

LISETTE.

Rien n’est plus vrai, Picard.

PICARD.

C’est lui que madame aime ?

LISETTE.

Je n’en saurais douter.

PICARD.

Qui te l’a dit ?

LISETTE.

Lui-même.
J’ai de plus entendu des mots de leurs discours ;
Picard, ils se juraient d’éternelles amours.
Pour revenir bientôt ce monsieur l’a quittée ;
Et madame aussitôt en carrosse est montée.

PICARD.

Mon Dieu, comme en amour on va vite à présent !