Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/443

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PICARD.

Écoutons bien.

Ils se mettent à ses côtés, et allongent le cou.
LISETTE.

Mon Dieu, que ce début m’étonne !

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Voulant rester chez moi, monsieur Garant me donne
Rendez-vous à dîner chez sa cousine Aubert.

PICARD.

C’est une brave dame.

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Ah ! Diablesse d’enfer !
Il y devait venir de savants personnages,
Parfaits chez les parfaits, sages entre les sages :
J’y vais ; madame Aubert était encore au lit.
Monsieur Aubert tout seul près de moi s’établit,
Me propose un trictrac en attendant la table :
J’avais pour tous les jeux une haine effroyable ;
Et cependant je joue.

LISETTE.

Eh bien ! jusqu’à présent
La chose est très commune, et le mal n’est pas grand.

GOURVILLE L’AÎNÉ.

J’y gagne, j’y prends goût ; de partie en partie
Je ne vois point venir la docte compagnie :
Le jeu se continue ; enfin le sort fait tant,
Qu’ayant bientôt perdu tout mon argent comptant,
Je redois mille écus encor sur ma parole.

LISETTE.

De ces petits chagrins un sage se console.

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Ah ! ce n’est rien encor. Garant à son cousin
Écrit que les docteurs ne viendront que demain,
Et qu’il l’attend chez lui pour affaire pressante.
Aubert me fait excuse, Aubert me complimente :
Il sort, je reste seul ; je n’osais demeurer,
Et dans notre maison j’étais prêt à rentrer.
Madame Aubert paraît avec un air modeste,
Bien coiffée en cheveux, un déshabillé leste,
Un négligé brillant, mais qui paraît sans art.
« On a dîné partout, me dit-elle ; il est tard
Je vous proposerais de dîner tête à tête ;