Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/444

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Mais je vous ennuierais… » J’accepte cette fête :
Le repas était propre et très bien ordonné ;
Elle avait du vin grec dont je me suis donné.

LISETTE.

Vous avez oublié votre théologie ?

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Hélas ! oui, ce vin grec la rendait plus jolie ;
Madame Aubert tenait des propos enchanteurs,
Que j’ai rarement vus chez nos plus vieux auteurs :
Je l’entendais parler, je la voyais sourire
Avec cet agrément que Sapho sut décrire.
Vous connaissez Sapho ?

PICARD.

Non.

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Le plus doux poison
Par l’oreille et les yeux surprenait ma raison.
Nous nous attendrissons : monsieur Aubert arrive ;
Madame Aubert s’enfuit éplorée et craintive,
En criant que je suis un homme dangereux.

LISETTE.

Vous, dangereux, monsieur ?

GOURVILLE L’AÎNÉ.

L’époux est très fâcheux
Il m’applique un soufflet ; je suis assez colère,
J’en rends deux sur-le-champ : nous nous roulons par terre ;
L’un sur l’autre acharnés, je frappais, il frappait ;
Et j’entendais de loin madame qui riait…
Vous avez lu tous deux de ces combats d’athlète ?

PICARD.

Je n’ai jamais rien lu.

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Ni toi non plus, Lisette ?

LISETTE.

Très peu.

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Quoi qu’il en soit, meurtrissants et meurtris,
Nous heurtions de nos fronts les carreaux, les lambris ;
Des oisifs du quartier une foule accourue
Remplissait la maison, l’escalier, et la rue :
Ou crie, on nous sépare ; un procureur du coin
D’accommoder l’affaire a pris sur lui le soin :