Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/450

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On sait qu’elle est chez vous, et je m’en doutais bien ;
Monsieur, il faut la rendre, et ma femme est mon bien.
Je vous rapporte ici vos lettres ridicules,
Où vous parlez toujours de péchés, de scrupules :
Rendez-moi sur-le-champ ses petits billets doux ;
Que tout ceci se passe en secret entre nous,
Et ne me forcez point d’aller à l’audience
Faire rougir messieurs de votre extravagance.

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Le diable vous emporte et vous et vos billets !
Vous me feriez jurer. Non, je ne vis jamais
Une si détestable et si lourde imposture.

L’AVOCAT PLACET.

Vous êtes donc, monsieur, ravisseur et parjure ?

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Allez, vous êtes fou.

L’AVOCAT PLACET.

J’avais l’intention
De ménager céans la réputation
De l’objet que mon cœur destinait à ma couche ;
Mais, puisque vous niez, puisque rien ne vous touche,
Que dans le crime enfin vous êtes endurci,
Adieu, monsieur. Bientôt vous me verrez ici ;
Je viendrai vous y prendre en bonne compagnie ;
Les lois sauront punir cet excès d’infamie ;
Et vous verrez s’il est un plus énorme cas
Que d’oser se jouer aux femmes d’avocats.


Il sort.

Scène V

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Que voilà pour m’instruire une bonne journée !
J’étais charmé de moi ; ma sagesse obstinée
Se complaisait en elle, et j’admirais mon vœu
De fuir l’amour, le vin, les querelles, le jeu :
Je joue, et je perds tout ; certaine Aubert maudite
M’enlace en ses filets par sa mine hypocrite ;
Je bois, on m’assassine : en tout point confondu,
Je paye encor l’amende ayant été battu.