Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/462

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L’AVOCAT PLACET.

Oui, j’ai mon éloquence,
Mon étude, ma voix, les plaideurs, l’audience.

LE JEUNE GOURVILLE.

Madame, je vous plains ; j’avoue ingénument
Qu’on devait respecter un tel engagement.
Mon frère a fait sans doute une grande sottise
D’enlever la future à ce futur promise ;
Il n’en peut résulter qu’une triste union,
Pleine de jalousie et de dissension ;
Les deux futurs ensemble à peine pourraient vivre.

MADAME AGNANT.

J’en ai peur en effet.

MONSIEUR AGNANT.

Il parle comme un livre,
Il a toujours raison.

LE JEUNE GOURVILLE.

Par un destin fatal
Vous voyez que mon frère a seul fait tout le mal ;
C’est votre propre sang, c’est l’honneur qu’il vous ôte
Madame, c’est à moi de réparer sa faute ;
Pour Sophie, il est vrai, je n’eus aucun désir,
Mais je l’épouserai pour vous faire plaisir.

MONSIEUR AGNANT.

Parbleu, je le voudrais.

L’AVOCAT PLACET.

Moi, non.

MADAME AGNANT.

Quelle folie !
Tu n’as rien, un cadet de Basse-Normandie
Est plus riche que toi.

LE JEUNE GOURVILLE.

D’aujourd’hui seulement
Notre belle Ninon m’a fait voir clairement
Que j’ai cent mille francs que m’a laissés mon père ;
Monsieur Garant lui-même en est dépositaire.

MADAME AGNANT.

Cent mille francs ? Grand Dieu !

MONSIEUR AGNANT.

Ma foi, j’en suis charmé.

LE JEUNE GOURVILLE.

De Sophie, il est vrai, je ne suis point aimé ;