Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/529

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Les priaient à genoux ; nul ne prenait les armes.
Je m’élance sur eux, je l’arrache à leurs mains :
« Tremblez, hommes de sang ; arrêtez, inhumains ;
Tremblez ! elle est Romaine ; en ces lieux elle est née,
Je la prends pour épouse. O dieux de l’hyménée !
Dieux de ces sacrés noeuds, dieux cléments, que je sers,
Je triomphe avec vous des monstres des enfers !
Armez et protégez la main que je lui donne ! »
Ma cohorte à ces mots se lève et m’environne ;
Leur courage renaît. Les tyrans confondus
Me remettent leur proie, et restent éperdus.
« Vous savez, ai-je dit, que nos lois souveraines
Des saints nœuds de l’hymen ont consacré les chaînes ;
Que nul n’ose porter sa téméraire main
Sur l’auguste moitié d’un citoyen romain :
Je le suis ; respectez ce nom cher à la terre. »
Ma voix les a frappés comme un coup de tonnerre :
Mais, bientôt revenus de leur stupidité,
Reprenant leur audace et leur atrocité,
Leur bouche ose crier à la fraude, au parjure ;
Cet hymen, disent-ils, n’est qu’un jeu d’imposture,
Une offense à César, une insulte aux autels ;
Je n’en ai point tissu les liens solennels ;
Ce n’est qu’un artifice indigne et punissable…
Je vais donc le former cet hymen respectable :
Vous l’approuvez, mon frère, et je n’en doute pas ;
Il sauve l’innocence, il arrache au trépas
Un objet cher aux dieux aussi bien qu’à moi-même,
Qu’ils protègent par moi, qu’ils ordonnent que j’aime,
Et qui, par sa vertu, plus que par sa beauté,
Est l’image, à mes yeux, de la divinité.

CÉSÈNE

Qui ? Moi ! Si je l’approuve ! Ah, mon ami, mon frère !
Je sens que cet hymen est juste et nécessaire :
Après l’avoir promis, si, rétractant vos voeux,
Vous n’accomplissiez pas vos destins généreux,
Je vous croirais parjure, et vous seriez complice
Des fureurs des tyrans armés pour son supplice.