Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/53

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C’est l’honneur seul qui chez nous doit former
Tout notre sang ; lui seul doit animer
Ce sang reçu de nos braves ancêtres,
Qui dans les camps doit couler pour ses maîtres.

LE CHEVALIER.

Je pense ainsi : les Français libertins
Sont gens d’honneur. Mais, dans vos beaux desseins.
Vous avez donc, malgré votre réserve,
Un peu d’amour ?

LE MARQUIS.

Un peu d’amour ?Qui, moi ? Dieu m’en préserve !
Il faut savoir être maître chez soi ;
Et si j’aimais, je recevrais la loi.
Se marier par amour, c’est folie.

LE CHEVALIER.

Ma foi, marquis, votre philosophie
Me paraît toute à rebours du bon sens ;
Pour moi, je crois au pouvoir de nos sens ;
Je les consulte en tout, et j’imagine
Que tous ces gens si graves par la mine,
Pleins de morale et de réflexions,
Sont destinés aux grandes passions.
Les étourdis esquivent l’esclavage,
Mais un coup d’œil peut subjuguer un sage.

LE MARQUIS.

Soit, nous verrons.

LE CHEVALIER.

Soit, nous verrons. Voici d’autres époux :
Voici la noce ; allons, égayons-nous.
C’est Mathurin, c’est la gentille Acanthe,
C’est le vieux père, et la mère, et la tante,
C’est le baillif, Colette, et tout le bourg.


Scène II.



LE MARQUIS, LE CHEVALIER ; LE BAILLIF, à la tête des habitants.


LE MARQUIS.

J’en suis touché. Bonjour, enfants, bonjour.

LE BAILLIF.

Nous venons tous avec conjouissance