Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/547

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J’ai repoussé l’honneur qu’il prétendait me faire ;
A ses empressements j’ai mis ce frein sacré :
Ce secret à jamais devait être ignoré ;
Tu me l’as arraché ; mais crains d’en faire usage.

LE JEUNE ARZÉMON

Achève ; il a donc su ce serment qui m’engage,
Qui rejoint par nos lois le frère avec la sœur ?

ARZAME

Oui.

LE JEUNE ARZÉMON

Qu’a produit en lui ce nœud si saint ?

ARZAME

L’horreur.

LE JEUNE ARZÉMON, à Mégatise.

C’est assez, je vois tout ; le barbare ! Il se venge.

ARZAME

Malgré notre hyménée à ses yeux trop étrange,
Malgré cette horreur même, il ose protéger
Notre sainte union, bien loin de s’en venger.
Nous quittons pour jamais ces sanglantes demeures.

LE JEUNE ARZÉMON

Ah, ma sœur !… C’en est fait.

ARZAME

Tu frémis, et tu pleures !

LE JEUNE ARZÉMON

Qui ? Moi !… Ciel !… Iradan…

ARZAME

Pourrais-tu soupçonner
Que notre bienfaiteur pût nous abandonner ?

LE JEUNE ARZÉMON

Pardonne… en ces moments… dans un lieu si barbare…
Parmi tant d’ennemis… aisément on s’égare…
Du parti que l’on prend le cœur est effrayé.

ARZAME

Ah ! du mien qui t’adore il faut avoir pitié.
Tu sors !… demeure, attends, ma douleur t’en conjure.

LE JEUNE ARZÉMON

Ami, veille sur elle… Ô tendresse ! Ô nature !
 Avec fureur.
Que vais-je faire ? Ah, Dieu vengeance, entends ma voix !
 Il embrasse sa sœur en pleurant.
Je t’embrasse, ma sœur, pour la dernière fois.
 Il sort.