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IRADAN

Je ne sais ; mais sa mort, en augmentant mes peines,
Semble glacer le sang qui reste dans mes veines.


Scène III


Iradan, Césène, Arzame.

ARZAME, se jetant aux genoux de Césène.

Dans ma honte, seigneur, et dans mon désespoir,
J’ai dû vous épargner la douleur de me voir.
Je le sens, ma présence, à vos yeux téméraire,
Ne rappelle que trop le forfait de mon frère ;
L’audace de sa sœur est un crime de plus.
la relevant.
Ah ! Que veux-tu de nous par tes pleurs superflus ?

ARZAME

Seigneur, on va traîner mon cher frère au supplice ;
Vous l’avez ordonné, vous lui rendez justice ;
Et vous me demandez ce que je veux !… La mort,
La mort ; vous le savez.

CÉSÈNE

Va, son funeste sort
Nous fait frémir assez dans ces moments terribles.
N’ulcère point nos cœurs, ils sont assez sensibles.
Eh bien ! je veillerai sur tes jours innocents,
C’est tout ce que je puis ; compte sur mes serments.

ARZAME

Je vous les rends, seigneur, je ne veux point de grâce :
Il n’en veut point lui-même ; il faut qu’on satisfasse
Au sang qu’a répandu sa détestable erreur ;
Il faut que devant vous il meure avec sa soeur.
Vous me l’aviez promis ; votre pitié m’outrage.
Si vous en aviez l’ombre, et si votre courage,
Si votre bras vengeur, sur sa tête étendu,
Tremblait de me donner le trépas qui m’est dû,
Ma main sera plus prompte, et mon esprit plus ferme.
Pourquoi de tant de maux prolongez-vous le terme ?
Deux Guèbres, après tout, vil rebut des humains,
Sont-ils de quelque prix aux yeux de deux Romains ?