Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/58

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MATHURIN.

Sine qua non ! quoi diable de jargon !
Morbleu, ma femme est à moi.

LE BAILLIF.

Morbleu, ma femme est à moi. Pas encore :
Il faut premier que monseigneur l’honore
D’un entretien selon les nobles us
En ce châtel de tous les temps reçus.

MATHURIN.

Ces maudits us, quels sont-ils ?

LE BAILLIF.

Ces maudits us, quels sont-ils ?L’épousée
Sur une chaise est sagement placée ;
Puis monseigneur, dans un fauteuil à bras,
Vient vis-à-vis se camper à six pas.

MATHURIN.

Quoi ! pas plus loin ?

LE BAILLIF.

Quoi ! pas plus loin ?C’est la règle.

MATHURIN.

Quoi ! pas plus loin ? C’est la règle.Allons, passe.
Et puis après ?

LE BAILLIF.

Et puis après ?Monseigneur avec grâce
Fait un présent de bijoux, de rubans,
Comme il lui plaît.

MATHURIN.

Comme il lui plaît. Passe pour des présents.

LE BAILLIF.

Puis il lui parle ; il vous la considère ;
Il examine à fond son caractère ;
Puis il l’exhorte à la vertu.

MATHURIN.

Puis il l’exhorte à la vertu. Fort bien ;
Et quand finit, s’il vous plaît, l’entretien ?

LE BAILLIF.

Expressément la loi veut qu’on demeure
Pour l’exhorter l’espace d’un quart d’heure.

MATHURIN.

Un quart d’heure est beaucoup. Et le mari
Peut-il au moins se tenir près d’ici
Pour écouter sa femme ?