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LE CHEVALIER, en regardant le marquis.

Ma chère Acanthe ! Elle doit être aimée,
Et le sera.

LE MARQUIS, au chevalier.

Et le sera. La voici ; je ne puis
La consoler en l’état où je suis.
Venez, je vais vous dire ma pensée.

(Ils sortent.)



Scène III.



ACANTHE, COLETTE.


COLETTE.

Ma chère Acanthe, on t’avait fiancée,
Moi déboutée ; on me marie.

ACANTHE.

Moi déboutée ; on me marie. À qui ?

COLETTE.

À Mathurin.

ACANTHE.

À Mathurin. Le ciel en soit béni !
Et depuis quand ?

COLETTE.

Et depuis quand ?Eh ! depuis tout à l’heure.

ACANTHE.

Est-il bien vrai ?

COLETTE.

Est-il bien vrai ?Du fond de ma demeure
J’ai comparu par-devant monseigneur.
Ah ! la belle âme ! ah ! qu’il est plein d’honneur !

ACANTHE.

Il l’est, sans doute !

COLETTE.

Il l’est, sans doute !Oui, mon aimable Acanthe ;
Il m’a promis une dot opulente,
Fait ma fortune ; et tout le monde dit
Qu’il fait la tienne, et l’on s’en réjouit.
Tu vas, dit-on, devenir chevalière :
Cela te sied, car ton allure est fière.
On te fera dame de qualité,
Et tu me recevras avec bonté.

ACANTHE.

Ma chère enfant, je suis fort satisfaite
Que ta fortune ait été sitôt faite.
Mon cœur ressent tout ton bonheur… Hélas !
Elle est heureuse, et je ne le suis pas !

COLETTE.

Que dis-tu là ? Qu’as-tu donc dans ton âme ?
Peut-on souffrir quand on est grande dame ?

ACANTHE.

Va, ces seigneurs qui peuvent tout oser
N’enlèvent point, crois-moi, pour épouser.