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Traité ſur la Tolérance. Chap. I.

attenté ſur ſoi-même, que la canoniſation ; tout le Peuple le regardait comme un Saint : quelques-uns l’invoquaient ; d’autres allaient prier ſur ſa tombe, d’autres lui demandaient des miracles, d’autres racontaient ceux qu’il avait faits. Un Moine lui arracha quelques dents pour avoir des reliques durables. Une dévote, un peu ſourde, dit qu’elle avait entendu le ſon des cloches. Un Prêtre apoplectique fut guéri après avoir pris de l’émétique. On dreſſa des verbaux de ces prodiges. Celui qui écrit cette relation, poſſède une atteſtation qu’un jeune homme de Toulouſe eſt devenu fou pour avoir prié pluſieurs nuits ſur le tombeau du nouveau Saint, & pour n’avoir pu obtenir un miracle qu’il implorait.

Quelques Magiſtrats étaient de la Confrairie des Pénitents blancs. Dès ce moment la mort de Jean Calas parut infaillible.

Ce qui ſur-tout prépara ſon ſupplice, ce fut l’approche de cette fête ſingulière que les Toulouſains célèbrent tous les ans en mémoire d’un maſſacre de quatre mille Huguenots ; l’année 1762 était l’année ſéculaire. On dreſſait dans la Ville l’appareil de cette ſolemnité ; cela même allumait encore l’imagination échauffée du Peuple : on diſait publiquement que l’échafaud ſur lequel on rouerait les Calas, ſerait le plus grand ornement de la fête ; on diſait que la Providence

A iv