Page:Voragine - Légende dorée.djvu/180

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Aphrodise, la voyant rester inébranlable, dit au consul : « Ce serait chose plus facile d’amollir une pierre ou de changer du fer en plomb que d’écarter de sa direction chrétienne l’âme de cette jeune fille ! »

II. Alors Quintien se fit amener Agathe et lui dit : « De quelle condition es-tu ? » Et elle : « Non seulement je suis noble, mais aussi d’une famille illustre, comme peut l’attester toute ma maison ! » Et Quintien : « Si tu es noble, pourquoi as-tu des mœurs d’esclave ? » Et elle : « Parce que je suis l’esclave du Christ ! » Et Quintien : « Si tu te dis noble, comment peux-tu, en même temps, te dire esclave ? » Et elle : « L’esclavage du Christ est la noblesse suprême. » Alors le consul lui dit de sacrifier aux dieux, ou, si elle s’y refusait, de s’apprêter à tous les supplices. Et Agathe lui dit : « Quêta femme soit comme ta déesse, Vénus, et que tu sois, toi-même, comme a été ton dieu Jupiter ! » Alors Quintien la fit souffleter, disant : « Ne t’avise pas d’injurier ton juge ! » Mais Agathe lui répondit : « Je m’étonne que, raisonnable comme tu es, tu aies la sottise d’appeler dieux des êtres à qui tu ne veux point que ta femme et toi vous ressembliez. Tu dis, en effet, que je t’ai injurié en te souhaitant d’être comme Jupiter. Or, si tes dieux sont bons, je ne t’ai rien souhaité que de bon ; et si, au contraire, tu détestes leur coupable amour, tu n’as plus qu’à devenir chrétien comme je suis chrétienne. » Et le consul : « Assez parlé ! Sacrifie aux dieux, ou je te ferai mourir dans les pires supplices ! » Et, comme elle bravait ses menaces et l’invectivait devant tous, il la fit conduire en prison. Elle y alla joyeuse et triomphante, comme à un festin.

III. Le lendemain, le consul lui dit : « Renie le Christ et adore les dieux ! » Puis, sur son refus, il la fit attacher à un chevalet pour être torturée. Et Agathe dit : « J’éprouve, parmi ces souffrances, la joie qu’éprouve un homme qui apprend une bonne nouvelle, ou qui voit ce qu’il a longtemps désiré voir, ou qui reçoit un immense trésor ! » Le consul, furieux, lui fit tordre les seins, et ordonna ensuite de les lui arracher. Et Agathe : « Tyran