Page:Voragine - Légende dorée.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cruel et impie, n’as-tu pas honte de couper, chez une femme, ce que tu as toi-même sucé chez ta mère ? Mais sache que j’ai d’autres mamelles, dans mon âme, dont le lait me nourrit, et sur lesquelles tu es sans pouvoir ! » Alors le consul la fit remettre en prison, défendant qu’aucun médecin vînt la visiter, ni qu’on lui donnât rien à manger ni à boire. Or, voici qu’à minuit un vieillard entra dans sa prison, précédé d’un enfant qui portait une torche. Et ce vieillard lui dit : « Ce consul insensé qui t’a fait souffrir, tu l’as fait souffrir davantage encore par tes réponses. Et moi, qui ai assisté à ton supplice, j’ai vu que les plaies de tes seins pouvaient être guéries. » Et Agathe : « Jamais je n’ai usé pour mon corps de remèdes matériels : ce serait une honte que je perdisse aujourd’hui ce que j’ai su garder jusqu’ici ! » Et le vieillard lui dit : « Ma fille, que ta pudeur ne s’alarme pas de moi, car je suis chrétien ! » Et Agathe : « En vérité, ma pudeur ne saurait s’alarmer, car, d’abord, tu es un vieillard, et puis, mon corps se trouve si affreusement déchiré qu’il ne peut inspirer de convoitise à personne. Mais je te remercie, respectable père, d’avoir daigné t’intéresser à moi ! » Et le vieillard : « Mais alors, pourquoi ne veux-tu pas me permettre de te guérir ? » Agathe répondit : « Parce que j’ai pour maître Jésus-Christ, qui, s’il le juge bon, peut, avec un seul mot, me guérir de suite ! » Alors le vieillard sourit, et lui dit : « Eh bien, ma fille, je suis l’apôtre de Jésus, et c’est lui qui m’a envoyé vers toi pour t’annoncer en son nom que tu étais guérie ! » Sur quoi ce vieillard, qui était saint Pierre, disparut, répandant sur son passage une lumière si prodigieuse que tous les gardes de la prison s’enfuirent, épouvantés. Et sainte Agathe se trouva entièrement guérie, avec ses deux seins restaurés par miracle. Et, comme les portes de la prison étaient ouvertes, d’autres prisonniers l’engagèrent à s’enfuir avec eux. Mais elle répondit : « À Dieu ne plaise que je perde, en m’enfuyant, la couronne qui m’est réservée, et que j’expose aussi les gardes à souffrir de mon fait ! »

IV. Quatre jours après, le consul la fit comparaître