Page:Voragine - Légende dorée.djvu/478

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qui nous a allégés de ce fardeau ! » Enfin, une autre fois, un chanoine régulier vint le trouver et lui demanda instamment à être admis dans son monastère. Et comme Bernard l’engageait à retourner plutôt dans son église, le chanoine lui dit : « Pourquoi recommandes-tu la perfection dans tes livres, si tu ne consens pas à en laisser approcher ceux qui le désirent ? Je voudrais avoir ici tes livres pour les détruire ligne à ligne ! » Et Bernard : « Dans aucun de mes livres tu n’as lu que tu ne pouvais pas parvenir à la perfection en restant dans ton église. Ce que j’ai recommandé dans tous mes livres, c’est l’amélioration des mœurs, et non le changement de lieu ! » Sur quoi le chanoine, affolé de rage, le frappa si durement sur la joue que la rougeur succéda au coup, et l’enflure à la rougeur. Et déjà les assistants allaient se jeter sur le sacrilège, lorsque Bernard les supplia, au nom du Christ, de ne lui faire aucun mal.

Son père, qui était resté seul dans sa maison, finit par se retirer, lui aussi, dans un monastère, où il mourut peu de temps après, chargé d’années. Sa sœur, mariée, était en danger de succomber aux richesses et aux plaisirs de ce monde, lorsque, étant venue voir ses frères, mais y étant venue avec une escorte et en grand apparat, Bernard eut l’impression que c’était le diable qui l’envoyait pour corrompre les âmes ; et il ne voulut ni aller lui-même au-devant d’elle, ni permettre à ses frères d’y aller. Alors, voyant que pas un de ses frères ne voulait la reconnaître, à l’exception d’un seul d’entre eux, qui était alors portier, et qui la traitait de « fumier en robes », la sœur fondit en larmes et s’écria : « Si même je suis une pécheresse, c’est pour des créatures comme moi que le Christ est mort ! Et c’est précisément parce que je me sens pécheresse que j’ai besoin des conseils et de l’entretien des gens de bien. Si mon frère dédaigne ma personne corporelle, que du moins le serviteur de Dieu prenne considération de mon âme ! qu’il vienne, qu’il me donne des ordres ! et je suis prête à accomplir tout ce qu’il m’ordonnera ! » Alors Bernard, entendant cette promesse, vint au-devant d’elle avec ses frères. Et,