Page:Voragine - Légende dorée.djvu/499

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plus souvent, une faveur qu’on demandait devenait une gêne. » Pour juger une cause, il aimait mieux se trouver avec des inconnus qu’avec des amis, disant que, parmi les inconnus, il pouvait plus librement découvrir les bons, et s’en faire des amis, tandis que, à juger des amis, il risquait fatalement d’en perdre un, celui contre qui il devrait décider.

De nombreuses églises l’invitaient à prêcher ; il y enseignait la parole de Dieu et convertissait une foule d’hérétiques. Parfois, en prêchant, il faisait des digressions ; et il disait alors que c’était sans doute Dieu qui lui inspirait ces digressions pour le salut de quelqu’un ; et l’on cite, en effet, le cas d’un manichéen qui fut ainsi converti par saint Augustin, celui-ci s’étant interrompu du sujet qu’il traitait pour réfuter l’erreur des manichéens.

C’était le temps où les Goths s’étaient emparé de Rome, et où idolâtres et hérétiques attaquaient vivement l’Église chrétienne. Voilà pourquoi Augustin écrivit son livre de la Cité de Dieu, où il montra que c’était la destinée des justes d’être opprimés dans cette vie, et la destinée des impies d’y prospérer. Il décrivait, dans ce livre, deux cités et deux rois, Jérusalem, dont le roi est le Christ, et Babylone, où règne le diable ; ajoutant que la cité du diable reposait sur l’amour de soi et la cité de Dieu sur l’amour de Dieu.

En l’an du Seigneur 440, les Vandales envahirent l’Afrique, dévastant tout sans épargner le sexe ni l’âge. Ils arrivèrent ainsi jusqu’à Hippone, qu’ils assiégèrent vigoureusement. Grande fut la désolation d’Augustin, lorsque cette calamité se joignit pour lui aux maux de la vieillesse ; il pleurait jour et nuit, à voir les uns tués, d’autres mis en fuite, les églises privées de prêtres, les maisons renversées. À peine se consolait-il en se rappelant cette pensée d’un sage : « Celui-là est un petit homme qui croit voir une grande chose quand il voit tomber des arbres ou mourir des mortels. » Enfin, rassemblant ses frères, il leur dit : « J’ai demandé à Dieu, ou bien qu’il nous sauvât de ce péril, ou qu’il nous donnât la patience, ou qu’il me retirât de cette vie,