Page:Voragine - Légende dorée.djvu/507

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moine qui t’a salué hier matin, c’était ta femme ! »

Cependant, Théodore était parvenue à une telle sainteté, qu’elle faisait de nombreux miracles. Elle obtint, notamment, de ressusciter, par ses prières, un homme qu’une bête féroce avait mis en pièces ; et la bête, dès qu’elle l’eut maudite, mourut aussitôt. Mais le diable, jaloux de sa sainteté, lui apparut et lui dit : « Prostituée et adultère, tu as abandonnée ton mari, et tu es venue ici lutter contre moi. Sache donc que, par mon pouvoir terrible, je saurai t’attaquer et te faire renier ton crucifix ! » Sur quoi Théodore fit le signe de la croix, et aussitôt le démon s’évanouit. Mais un jour, comme elle revenait de la ville avec son attelage, elle reçut l’hospitalité dans une maison où une jeune fille s’approcha d’elle, et lui dit : « Viens dormir avec moi ! » Le moine s’y étant refusé, la fille alla trouver un autre homme qui demeurait dans la maison. Et, lorsque plus tard, son ventre se trouva enflé, et qu’on lui demanda de qui elle était enceinte, elle répondit : « Du moine Théodore, qui a couché avec moi ! » L’enfant fut donc remis à l’abbé du monastère qui, après l’avoir placé sur les épaules de frère Théodore, accabla celui-ci de reproches et le chassa du monastère. Et, pendant sept années, la sainte vécut à la porte du monastère, nourrissant l’enfant du lait du troupeau.

Or le diable, jaloux d’une telle patience, prit la forme du mari de Théodore, et, apparaissant devant elle, lui dit : « Que fais-tu là, chère maîtresse, pendant que je languis de toi et ne parviens pas à me consoler ? Viens donc, ma lumière ; et, si tu as couché avec un autre homme, je te le pardonne ! » Et elle, croyant que c’était vraiment son mari, lui dit : « Jamais plus je n’habiterai avec toi, mon cher mari, parce qu’un autre homme a couché avec moi, et que je veux faire pénitence de ma faute à ton égard ! » Puis elle se mit en prières, et aussitôt le faux mari s’évanouit, de telle sorte qu’elle reconnut que c’était le diable. Une autre fois, celui-ci, voulant l’effrayer, lança sur elle des esprits déguisés en bêtes féroces ; et il leur criait : « Dévorez cette prostituée ! »