Page:Voragine - Légende dorée.djvu/549

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va le dénoncer au chef des Juifs. Aussitôt tous les Juifs de la ville s’assemblent, envahissent le logement, et, apercevant la croix, accablent d’injures et de coups leur malheureux frère, qu’ils, jettent, à demi mort, sur les pierres du chemin. Après quoi ils foulent aux pieds l’image sainte, et recommencent sur elle tous les sacrilèges de la passion du Seigneur. Mais, au moment où ils lui percent le flanc d’un coup de lance, voici que de l’eau et du sang en jaillissent si abondamment qu’un grand vase s’en trouve rempli. Les Juifs, stupéfaits, emportent ce sang dans leur synagogue ; et tout malade qui l’applique sur son corps est aussitôt guéri. Ce que voyant, les Juifs vont raconter toute l’histoire à l’évêque du diocèse et reçoivent le baptême. L’évêque transvase le sang miraculeux dans des ampoules de cristal ; puis, mandant près de lui le chrétien à qui appartenait le crucifix, il le questionne sur la provenance de celui-ci. Et le chrétien lui répond : « Ce crucifix est l’œuvre de Nicodème, qui, en mourant, l’a légué à Gamaliel, qui l’a légué lui-même à Zachée, qui l’a légué à Jacques, qui l’a légué à Simon. Après la destruction de Jérusalem, les fidèles l’ont emporté dans le royaume d’Agrippa, et ainsi il est venu entre les mains de mes parents, qui me l’ont légué par héritage. » Ce miracle eut lieu en l’an 750. C’est en souvenir de lui que, le 5 décembre, l’Église institua la fête du Souvenir de la Passion : ou encore, suivant d’autres, le 5 novembre. À Rome, une église fut consacrée en l’honneur du Sauveur, où l’on conserve aujourd’hui encore une ampoule de ce sang, et où une fête solennelle est célébrée à son sujet.

IV. Les infidèles eux-mêmes reconnaissent la vertu de la croix. D’après saint Grégoire, au troisième livre de ses Dialogues, André, évoque de Fondi, ayant permis à une religieuse de demeurer avec lui, le diable, pour le tenter, lui imprima dans l’esprit l’image de cette femme, de telle façon que, dans son lit, il était poursuivi de pensées lubriques. Or, certain soir, un Juif, venant à Rome, et ne trouvant plus de place dans les auberges, s’installa pour la nuit dans un temple d’Apollon. Et, bien