Page:Voragine - Légende dorée.djvu/561

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blessure ! » Ils découvrirent la cicatrice, et, certains désormais d’avoir retrouvé l’homme qu’ils cherchaient, ils se jetèrent dans ses bras et l’interrogèrent sur sa femme et sur ses fils. Il leur répondit que ses fils étaient morts, et sa femme prisonnière. Puis les soldats, après avoir raconté aux voisins, accourus en foule, la vaillance et la gloire de leur ancien chef, revêtirent celui-ci d’un manteau somptueux, et se mirent en route avec lui pour se rendre auprès de l’empereur. Ils marchèrent pendant quinze jours. Et l’empereur, apprenant l’arrivée de Placide, courut au-devant de lui, et le couvrit de baisers. Et il le contraignit à reprendre son emploi de jadis, à la tête de l’armée.

Mais Eustache, dénombrant ses troupes, et les jugeant insuffisantes, ordonna de faire une grande levée dans les villes et villages de l’empire. Et, dans chacun des deux villages où étaient élevés ses deux fils, ce furent eux qui se trouvèrent désignés, par le suffrage de tous, comme les plus robustes et les plus vaillants. Ils furent conduits au camp du général, qui, frappé de leur beauté et de leur vertu, se prit d’affection pour eux et les attacha à sa personne.

Ayant défait l’ennemi, Eustache s’arrêta pendant trois jours, avec son armée, dans la ville où demeurait sa femme, qui y tenait une petite auberge. Et Dieu voulut que les deux jeunes gens prissent logement chez leur mère, qu’ils ne connaissaient point. Et là, assis à table, ils se racontaient leurs souvenirs d’enfance. Et leur mère écoutait avidement leurs paroles. Or l’aîné disait au plus jeune : « De mon enfance je ne me rappelle rien, si ce n’est que mon père était général d’armée, que j’avais une mère très belle, et un petit frère également très beau. Une nuit, nous sommes sortis de notre maison, et plus tard nous avons laissé sur un bateau, je ne sais pourquoi, notre mère ; et j’ai vu ensuite, de l’autre rive d’un fleuve, qu’un loup emportait mon frère ; et moi-même, quelques instants après, j’ai été emporté par un lion. Mais des bergers m’ont sauvé et nourri. » Ce qu’entendant, le second soldat se mit à pleurer et dit : « Par