Page:Voragine - Légende dorée.djvu/667

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au Seigneur. Aussitôt Élisabeth embrassa avec ardeur l’état de veuve, renouvelant le vœu de chasteté qu’elle avait fait jadis en prévision d’un veuvage possible.

Cependant, quand la mort de son mari fut connue en Thuringe, des parents du landgrave la chassèrent de son château comme dissipatrice et prodigue. Et elle dut se réfugier, à la nuit tombante, dans une étable à porcs, qui dépendait de la maison d’un cabaretier. Et, le lendemain matin, s’étant rendue au couvent des Frères Mineurs, elle pria ceux-ci de chanter le Te Deum laudamus, pour remercier Dieu des épreuves qu’il lui envoyait. On lui enjoignit alors d’aller demeurer avec ses enfants dans la maison d’un de ses ennemis ; où on lui avait assigné pour domicile un endroit des plus restreints. Fort mal reçue par l’hôte et l’hôtesse, elle ne tarda point à repartir, après avoir dit adieu aux murs de sa chambre en ajoutant : « J’eusse préféré dire adieu aux hommes à qui appartiennent ces murs, s’ils m’avaient traitée avec plus de bonté ! » Après quoi elle revint à sa première retraite, confiant ses enfants à diverses personnes. Et comme, un jour, marchant dans un sentier d’une boue profonde, elle posait les pieds sur des pierres, une vieille femme qu’elle avait comblée de bienfaits voulut marcher sur les mêmes pierres, et refusa de lui livrer passage : si bien que la sainte tomba. Mais, s’étant relevée, elle fut tout heureuse d’avoir à secouer la boue dont elle était couverte.

Quelque temps après, une abbesse, sa marraine, prenant en pitié son extrême misère, la conduisit auprès de son oncle évêque de Bamberg, qui la reçut fort bien, mais la retint chez lui avec l’intention de la marier en secondes noces. Ce qu’apprenant, les servantes qui l’accompagnaient fondirent en larmes ; mais la sainte les réconforta en disant : « J’ai confiance dans le Seigneur, pour l’amour duquel j’ai fait vœu de chasteté. Il saura bien m’encourager dans ma résolution, éloigner de moi toute violence, et dissoudre les mauvais projets dès hommes. Ou que si mon oncle, malgré mes refus, s’obstinait à vouloir me remarier, j’aurais toujours la ressource de me couper le nez de mes propres mains, ce