Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/17

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batailler avec ses éditeurs pour obtenir d’eux des subsides, d’autoriser sans garanties suffisantes des représentations de ses œuvres pour gagner quelques louis, au risque de prostituer, comme il le disait, les enfants les plus chers de son génie. Dans ces conditions sa santé même commence à s’altérer gravement. Nous le voyons alterner entre des accès de travail intensif, pendant lesquels il parvient à oublier temporairement son mal, et des crises de dépression nerveuse qui le plongent dans l’accablement le plus profond. Il traverse des périodes de découragement absolu, où il se plaint d’être « indiciblement misérable », de « n’avoir jamais connu un instant de bonheur », où il crie son horreur, son dégoût intense pour la vie morne et terne à laquelle il est condamné, sa lassitude de créer sans relâche des œuvres d’art sans en être récompensé par la moindre satisfaction, sa volonté d’en finir avec une existence décidément insupportable : « Je ne croir plus à rien, écrit-il à Liszt, je n’ai plus qu’un désir : dormir — dormir d’un sommeil si profond que tout sentiment de misère humaine soit aboli pour moi. Ce sommeil, je devrais bien pouvoir me le procurer : ce n’est pas bien difficile ». — On comprend dès lors, l’immense bienfait que dut être pour Wagner l’intimité de la famille Wesendonk. Auprès d’eux, dans la somptueuse villa de la « Colline

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