Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/58

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envers ce prince réellement digne d’être aimé. Je ne puis, non, plus jamais, me donner au monde ; il m’est impossible de me fixer dans une grande ville pour quelque laps de temps que ce soit, et pourrais-je encore songer à la fondation d’un nouvel « Asile », d’un nouveau foyer, alors que j’ai dû détruire l’autre, dont j’avais à peine joui, celui que m’avaient créé l’amitié et le plus noble amour, en ce délicieux paradis ? Oh ! non !… Pour moi, m’en aller d’ici cela signifie… périr !

Avec une telle blessure au cœur, je ne puis tenter de fonder un nouveau foyer !…

Mon enfant, il ne m’est plus possible d’imaginer qu’un unique salut, et il ne peut me venir que du plus profond de mon cœur, non plus de telle ou telle cause extérieure. Il a nom : la paix ! l’apaisement absolu imposé au désir ! Noble et digne victoire ! Vivre pour d’autres, pour d’autres… sera notre propre consolation !

Tu connais maintenant la crise grave, décisive de mon âme : elle touche à ma conception de la vie, à l’avenir tout entier, à tout ce qui m’est proche — donc aussi à toi, l’être qui m’est le plus cher ! Laisse-moi, sur les ruines de ce monde du désir, — t’apporter encore le salut !

Vois-tu, dans tout le cours de ma vie, en aucune circonstance je ne me montrai importun,

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