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la faculté de pouvoir s’élever au-dessus de la souffrance, la résignation et son apaisement profond, divin. S’ils arrivent donc, comme c’est le cas lorsqu’ils sont tourmentés, à la souffrance, je vois, avec l’angoisse, le désespoir au cœur, uniquement la souffrance absolue, sans rémission, sans le moindre but élevé, avec la mort comme seul moyen de délivrance, et, par là, la confirmation qu’il eût mieux valu pour eux ne pas entrer dans la vie. Si donc cette souffrance peut avoir un but, ce n’est qu’en éveillant la pitié de l’homme, qui recueille l’existence manquée de l’animal et devient le libérateur du monde en reconnaissant l’erreur de toute existence. (Un jour, cela te sera rendu plus clair dans le troisième acte de Parzival — matin du Vendredi-Saint.) Constater le non-développement de cette faculté de libération du monde par la compassion humaine, la voir périr par le manque volontaire de culture, me rend l’homme tout à fait antipathique et diminue ma pitié envers lui jusqu’à l’entière extinction de sensibilité en présence de sa détresse. En celle-ci se trouve, pour l’homme, la voie de la rédemption, qui manque à l’animal ; s’il ne la reconnaît pas et qu’il veuille plutôt la tenir fermée, j’éprouve le besoin de lui ouvrir cette porte toute grande et je puis aller jusqu’à la cruauté pour lui faire comprendre la détresse de la souffrance. Rien ne m’est plus indifférent que la plainte du

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