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et à intriguer bassement contre lui. Un semblable succès dut éclairer Wagner et l’empêcher de manifester davantage ses opinions en public. C’était par amour de son art qu’il était sorti de sa solitude, croyant le moment venu de faire prévaloir de plus saines idées sur le rôle social du théâtre, et sa première « action politique » avait été la rédaction d’un projet de réorganisation du théâtre. Ce fut encore par amour de son art qu’il rentra dans cette solitude, car là seulement il pouvait être entièrement vrai, il pouvait créer l’œuvre dans laquelle il mettrait toute son âme.

Simultanément les figures de Frédéric Barberousse et de Siegfried se présentèrent à lui : mais conscient maintenant de sa véritable voie, il écarta la première comme trop contingente, trop nécessairement liée à des circonstances spéciales de temps et de lieu et élut pour héros de son œuvre Siegfried, qui représentait à ses yeux l’hoimne dans toute sa force, dans toute sa spontanéité primordiales, l’homme libre qu’aucune loi exténeure, aucune convention ne comprimait, ni ne dénaturait encore : en lui l’amour n’était point voulu, n’était point le résultat de la réflexion, il était le ressort de la vie, il était la vie même. La Révolution que Wagner rêvait, c’est celle qui doit permettre le développement d’une race d’hommes semblables à celui-là : Révolution