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jeta des éclairs à travers la nuit de la pensée inassouvie, de la folie du doute qui possédait l’humanité ; mais ce n’étaient là que des cris de douleur et de joie de l’individu qui échappait au chaos général et, comme un étranger venant de lointaines contrées, égaré par bonheur, arrivait à la murmurante source solitaire de Castalie, et y trempait ses lèvres assoiffées sans pouvoir offrir au monde la boisson rafraîchissante ; ou bien l’Art servait l’une de ces idées, l’une de ces imaginations qui, tantôt plus mollement, tantôt plus durement, opprimaient l’humanité souffrante et enchaînaient la liberté de l’individu comme celle de la communauté ; jamais il n’était l’expression libre d’une communauté libre : car le véritable art est la liberté la plus haute et il ne peut proclamer que la liberté la plus haute, il ne peut laisser naître aucune autorité, aucun pouvoir, en un mot aucune force antiartistique.

Les Romains, dont l’art national avait précocement cédé à l’influence des arts grecs complètement développés, se firent servir par des architectes, des sculpteurs, des peintres grecs, leurs beaux esprits s’exercèrent à la rhétorique et à la versification grecques ; mais ils n’ouvrirent pas le grand théâtre populaire aux dieux et aux héros du mythe, aux libres danseurs et chanteurs du chœur sacré ; des