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bêtes féroces, des lions, des panthères et des éléphants devaient se déchirer dans l’amphithéâtre pour flatter les yeux romains ; des gladiateurs, esclaves dressés aux exercices de force et d’adresse, devaient réjouir de leurs râles les oreilles romaines.

Ces brutaux vainqueurs du monde ne se plaisaient qu’aux plus positives réalités, leur imagination ne pouvait s’assouvir que de la manière la plus matérielle. Les philosophes, qui fuyaient craintivement la vie publique, ils les laissaient se livrer en paix à l’abstraction ; publiquement même ils aimaient à s’abandonner à la plus concrète soif de meurtre, à voir paraître devant eux la souffrance humaine dans son absolue réalité physique.

Ces lutteurs et ces gladiateurs étaient les fils de toutes les nations d’Europe, et les rois, les nobles et le peuple de ces nations étaient tous également esclaves de l’empereur romain, qui leur prouvait ainsi pratiquement que tous les hommes étaient égaux : mais cet empereur à son tour voyait ses obéissants prétoriens lui montrer fort souvent d’une manière nette et tangible que lui même n’était rien qu’un esclave.

Cet esclavage qui se manifestait réciproquement et en tous sens si clairement, si indéniablement, réclamait, comme toute chose générale au monde, une expression spécifi-