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moyen propre à la circulation de l’argent et capable de faire produire au capital de gros intérêts, ce qui semble naturel étant donné le caractère dominant de la vie sociale et l’obligation pour le directeur de se montrer spéculateur habile vis-à-vis du public, il est logiquement de toute évidence qu’on n’en peut confier la direction, c’est-à-dire l’exploitation, qu’à un homme rompu à ces sortes d’affaires ; car une direction vraiment artistique, une direction, par conséquent, conforme au but primitif du théâtre, serait en effet fort peu apte à atteindre le but actuel. — De là ressort à l’évidence pour tout esprit sagace, que si le théâtre doit retourner à sa noble destination naturelle, il faut absolument qu’il se délivre de la contrainte de la spéculation industrielle.

Comment pourrait-on y parvenir ? Exempterait-on cette seule institution de la servitude à laquelle sont soumis aujourd’hui tous les hommes et toutes leurs entreprises sociales ? Certainement, c’est précisément le théâtre qui doit-être libéré le premier ; car le théâtre est l’institution d’art la plus complète, la plus influente ; et comment l’homme peut-il espérer devenir libre et indépendant dans des domaines moins élevés, s’il ne peut tout d’abord exercer librement son activité la plus noble, l’activité artistique ? À présent déjà le service de l’État, le service de l’armée ne sont du moins