Page:Wagner - Sur les Poèmes symphoniques de Franz Liszt, 1904, trad. Calvocoressi.djvu/39

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Ce qui reste sûr, c’est que Liszt ne peut avoir d’une donnée poétique qu’une conception foncièrement différente de celles qui sont familières à Berlioz, et que cette conception sera analogue à celle qu’aurait eue, ainsi que je viens de le supposer, le poète de la scène d’amour, s’il s’était proposé d’écrire cette scène en vue d’une réalisation musicale.

Vous le voyez, je suis arrivé si près du nœud de la question que, raisonnablement, je ne puis plus guère vous dire grand’chose. Il nous faut maintenant voir quel est le secret qu’une individualité, l’artiste, communique à l’autre, l’auditeur. Mais celui-là seul oserait raisonner haut et net de cette chose mystérieuse, à qui l’essence en aurait à peu près totalement échappé : on parle d’autant plus d’un mystère qu’on le comprend moins. Si donc je tais tout ce que m’a fait ressentir Liszt au moyen de ses poèmes symphoniques, il ne m’en reste pas moins à vous dire quelques mots sur la nature, l’allure de mes impressions. Ce qui m’a surtout étonné, c’est l’intense, la « parlante » précision avec laquelle se manifeste la donnée. Certes, cette donnée n’est plus celle que le poète nous indiqua avec des mots. Elle est devenue tout autre, indescrip-