Page:Wanda - La femme au doigt coupé, 1886.djvu/28

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— Bon ! se dit Ben, il dort absolument comme s’il avait lu conscience tranquille. À mon tour maintenant.

La tâche n’était pas très facile. La nuit était assez noire, et le grenier n’était, éclairé que par un faible rayon de lune. Il fallait commencer par trouver une issue. Bon fit, à tâtons, et avec toutes les précautions imaginables, le tour du grenier. À force de recherches, il trouva une petite porte qu’il ouvrit : elle donnait sur un escalier qui descendait évidemment dans l’intérieur de la maison. Notre jeune héros se souvint alors, fort à propos, qu’il avait un paquet d’allumettes dans sa poche ; il en alluma une et vit distinctement devant lui un escalier, dont une petite porte au bas fermait l’accès. Il se mit en devoir de descendre ; et, se laissant glisser le long des marches, il arriva à bon port. La petite porte, fort heureusement, n’était pas fermée, et l’ayant ouverte, il se trouva dans la maison. Il était dans un petit vestibule ; autour de lui se trouvaient plusieurs chambres. Laquelle prendre ? Les ronflements continus du dormeur achevant de le guider, il pénétra dans une pièce et recula aussitôt ; il venait d’apercevoir Félix étendu sur un sofa. C’était sans doute la pièce dans laquelle ils avaient causé tout à l’heure.

Les papiers doivent être dans l’autre, se dit Ben. Il se retira alors sur la pointe du pied ; le dormeur fit un mouvement ; Ben retint son souffle : mais ce ne fut qu’une fausse alerte ; le ronflement recommença. Ben jeta un dernier coup d’œil sur cette chambre ; elle était presque vide. Le sofa sur lequel dormait Félix, une table, deux chaises, un buffet en composaient tout l’ameublement.

Profitons de l’instant où ces deux hommes se trouvent face à face ; pour apprendre au lecteur ce que c’était que l’individu qui se faisait appeler Félix.

Il était de Québec. Il avait commencé par être avocat, sans causes bien entendu, profession assez commune de nos jours ; puis il avait fini par devenir agent d’affaires plus ou moins véreuses ; et enfin, ayant été compromis assez sérieusement dans une ou deux entreprises, il avait pris le parti de s’en aller manger autre part l’argent qu’il avait si malhonnêtement