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CHAPITRE IX
JENNY EST AU COMBLE DE SA SURPRISE

Lorsqu’il s’éveilla, le lendemain de sa longue et dangereuse expédition, notre ami Ben constata avec effroi que la matinée était déjà fort avancée.

La course à pied de la veille et tous les événements qui s’étaient écoulés, depuis quelques jours, l’avaient brisé ; et il avait donné au sommeil plus de temps que de coutume, plus de temps surtout que ne le comportait la quantité de choses importantes qu’il avait à accomplir, dans cette journée.

Après avoir avalé à la hâte le petit repas que lui avait préparé sa bonne mère, Ben lui dit adieu et l’embrassa, en lui recommandant de ne pas s’inquiéter si, comme la veille, il rentrait tard. Puis il sortit et se dirigea d’un pas joyeux vers la demeure de Jenny.

Quand il entra, cette dernière était à l’ouvrage et achevait même, en ce moment, un frais costume de jeune fille. La tunique, en satin bleu très pâle, s’ouvrait sur une jupe entièrement garnie de jolis volants de dentelles. Les doigts mignons de la jeune ouvrière, courant ainsi au milieu de ces étoffes riches et délicates, semblaient se trouver dans leur élément, et chiffonnaient avec une grâce infinie les flots de satin et de dentelles.

— C’est toi, Ben, dit la jeune fille, en se retournant au bruit que fit la porte.

— Je les ai ! Je les ai ! criait Ben, en agitant triomphalement au-dessus de sa tête un petit paquet.

Jenny reconnut de suite une liasse de papiers, et elle poussa à son-tour un cri de joie.

— C’est affaire à moi, hein ! reprit Ben. Tu ne les es pas attendus longtemps ! Mais, aussi, j’ai en une de ces veines ! Enfin, je te raconterai cela plus tard.

Pendant que Ben parlait, la physionomie de Jenny, si radieuse d’abord, se rembrunissait au fur à mesure qu’elle feuilletait les papiers, puis tout à coup elle s’écria :

— Mais, ce ne sont pas les miens ! mon pauvre Ben ! ce sont ceux d’un autre !