Page:Wanda - La femme au doigt coupé, 1886.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnu du premier coup celui qui se fait appeler Simon, l’auteur du crime de l’hôtel Saint-André.

La femme n’est autre que Cynthia ; et, comme Ben l’avait deviné c’est elle que nous avons entrevue, au commencement de ce récit, dans la maison du coteau Saint-Louis.

Elle est encore belle et relativement jeune. Elle est brune, grande, élancée, elle a de fort beaux yeux, de jolis cheveux ; son ensemble est assez agréable ; ses manières et son éducation décèlent un genre de vie peu en rapport avec celui de ses compagnons. On y sent la femme habituée au luxe. Quoique simple, sa tenue du matin est fort élégante un peignoir crème, s’ouvrant sur une blouse foncée, en surah garni de dentelles, et semée de nœuds roses. Cette toilette sied fort bien à son genre de beauté. Son beau bras bien modelé sort d’une manche ouverte jusqu’au coude. Elle offre un mélange de femme du monde et d’actrice.

Le lecteur sera sans doute surpris de trouver une telle femme associé à deux scélérats, comme le sont Félix et Simon. Voici en deux mots quelles sont les circonstances qui ont amené ce bizarre assemblage.

Le père et la mère, Canadiens-français d’origine, étaient ouvriers tous deux : ils avaient trois enfants déjà grands, quand Cynthia vint au monde. Cette petite fille, qui promettait d’être fort jolie, dès le berceau, fut l’objet de leur plus constante sollicitude. Il n’était pas rare de voir des femmes jeunes et élégantes interrompre leur promenade et descendre de voiture, pour caresser cette jolie enfant. Comme on le pense bien, elle ne rentrait pas les mains vides elle rapportait toujours quelque chose au logis, de petits objets de toilette ou quelque menue monnaie.

Cynthia grandit ainsi et devint de plus en plus jolie. Ses parents, trouvant la condition d’ouvrière tout à fait indigne d’une personne aussi accomplie, résolurent de la diriger d’un autre côté. Elle avait une charmante voix. Un de ces hommes, dont le métier consiste à recruter de jolies filles,