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Ben reconnut M. Ducoudray.

— Vous ! s’écria-t-il.

— Oui, moi, mon ami. Mais, je vais moi-même satisfaire votre désir ; car, après tant d’émotions successives, madame Crampton a besoin de repos. Elle est encore bien faible.

— C’est vrai, mais je suis si heureuse ! fit Julia en pressant contre son cœur la tête de Jenny.

— Voici ce qui s’est passé. Mon confrère, que vous avez vu dans la chambre numéro 10, sachant que j’avais une longue expérience du poison qui avait tué madame, la confia à mes soins. Elle avait été empoisonnée par une piqûre de curare. Peut-être connaissez vous les propriétés bizarres de ce poison étrange, dont les indiens de l’Amérique du Sud se servent pour empoisonner leurs flèches. La piqûre en est toujours mortelle ; mais, au lieu de tuer en désorganisant l’estomac, il produit simplement l’asphyxie ; et, en s’y prenant à temps, — le maximum est de trois heures, — on ramène le malade à la vie, par le procédé employé aussi pour les noyés, et qui consiste à vous insuffler de l’oxygène dans les poumons. C’est ce que nous avons fait. Notre ami Lafortune m’a aidé dans ces soins ; puis nous avons tenu cachée, bien entendu, la résurrection de madame ; et c’est au moment où ayant découvert le coupable, il se présentait pour l’arrêter, que Lafortune a été frappé par cette balle. Mais rassurez-vous ce n’est pas grave, et sa blessure ne demande que du repos et des soins.

Le docteur alors félicita Julia d’avoir retrouvé une fille aussi charmante. Il la connaissait, il vanta sa vertu, son courage, et enfin leur souhaita tout le bonheur possible.

Alors Julia, se tournant vers Ben : « Que puis-je faire pour vous, monsieur ? parlez, et croyez que rien ne me coûtera après ce que vous avez fait pour moi. »

Et comme Ben, interdit n’osait parler, « je vais répondre pour lui, » fit le docteur, et prenant la main de Jenny et la mettant dans celle du jeune homme. « Il y a longtemps que ces enfants s’aiment, madame. Quant à Ben je le connais depuis l’enfance ; et je suis à même de vous assurer que nul mieux que lui ne fera le bonheur de votre fille. »

Alors Julia, pour toute réponse, les attira dans ses bras.

— Dieu me comble, fit-elle, je lui demandais mon enfant ; m’en rend deux. Que son saint nom soit béni !