Page:Wanda - La femme au doigt coupé, 1886.djvu/81

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« Ce sera difficile de le faire remonter à cheval avant deux mois ! mais où le mettre dans ce village, provisoirement ? les voitures de l’ambulance ne repassent qu’après demain. »

En rêvant à cela, il vit ma porte ouverte, ce qui lui donna l’idée de s’écrier :

« Allons ! qu’on le porte là-dedans : qu’on ouvre une fenêtre pour l’empêcher d’être saisi par la chaleur. »

Les soldats obéirent, moi, je n’avais pas à réclamer, voyant bien que cette sorte de gens se moquait du monde et faisait ce qu’elle voulait.

Ils portèrent donc le trompette dans la salle d’école et l’étendirent sur la grande table en face du tableau ; ils ouvrirent un châssis, et, sur l’ordre de leur médecin, ils commencèrent à le déshabiller nu comme un ver.

Je n’eus que le temps de chasser les enfants, qui regardaient, le nez aplati contre les vitres, en leur criant que c’était un spectacle impudique.

Tout le monde se retira ; je montai prévenir ma femme et mes enfants de rester dans leur chambre en haut, puis je redescendis pour voir la suite de ces événements extraordinaires.

Au lieu de réchauffer cet homme gelé aux trois quarts, les Allemands avaient apporté de dehors un cuveau de neige avec laquelle ils le frottaient de haut en bas, principalement le nez, les oreilles et les pieds.

Ils avaient éteint le feu, et ces choses m’étonnaient, lorsque tout à coup, dehors, le son de la trompette retentit, et que tous ensemble courant à la rue abandonnèrent leur camarade

Il paraît qu’une grande nouvelle venait d’arriver, un ordre de départ, car tout aussitôt les hussards tirèrent leurs chevaux des écuries, les bridèrent, les sellèrent et se réunirent sur la place de la mairie, où l’appel se fit à la hâte.

Le colonel, apprenant par le médecin que son trompette était gelé, tempêtait, et m’apercevant de loin sur la porte, il accourut en me criant :