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ESCALADES DANS LES ALPES.

augmentait rapidement et la neige devenait de plus en plus raide. Force nous fut donc de battre en retraite. Il nous fallut redescendre en courant tout le glacier de Ferpècle, pour en pouvoir sortir au moment même où nous ne pouvions plus distinguer nos traces, tant la nuit était noire. Nous arrivâmes à nos affreux chalets, et il nous fallut nous coucher sans souper, car nous n’avions plus rien à manger. Nous étions tous d’humeur fort maussade, pour ne pas dire massacrante, ne nous entendant que sur un seul point, c’est-à-dire quand nous accablions Biener des plus cruels reproches.

Le 19, à sept heures du matin, nous partîmes une troisième fois pour passer le col d’Hérens. Le temps était superbe, et la bonne humeur nous revint peu à peu à la vue des bévues que nous avions commises la veille au soir. Biener ne nous avait pas trop mal conduits ; mais Croz s’était éloigné de la bonne voie dès le début ; il avait décrit tout un demi-cercle ; aussi, quand nous l’avions arrêté, nous étions revenus en face d’Abricolla, notre point de départ. Almer avait commencé à son tour à nous guider avec une extrême prudence, mais il avait aussi fini par traverser la véritable route au lieu de la suivre. Quand j’avais arrêté l’expédition (parce que nous allions trop au sud-ouest), nous montions à la Tête-Blanche ! Notre dernière tentative nous avait remis dans la bonne voie ; nous étions arrivés sans nous en douter au sommet du col ; dix mètres de plus, et nous aurions commencé à descendre le versant opposé ! Inutile de répéter que, si nous avions consulté la boussole en temps opportun, — c’est-à-dire dès la première apparition du brouillard, — nous aurions évité tous ces ennuis. Plus tard, elle nous servit uniquement à nous prouver que nous nous égarions.

Six heures et demie après notre départ d’Abricolla, nous arrivâmes à Zermatt, où la bonne hospitalité de Seiler nous remit bientôt tous dans notre état normal.

Le 20, nous passâmes le col Saint-Théodule, et nous fîmes un détour pour monter du sommet sur le Théodulhorn (3472 mè-