Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/37

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Telle était la théorie de Cyril Graham, tirée, comme vous le voyez, uniquement des Sonnets et dont l’acceptation ne dépendait pas tant d’une preuve par démonstration ou d’une évidence formelle que d’une sorte de flair spirituel et artistique par lequel seul, prétendait-il, on pouvait discerner le vrai sens des poésies.

Je me souviens qu’il me lut ce beau sonnet :

Comment ma muse pourrait-elle manquer de sujet tant que de ton souffle tu verses dans mon vers ton ineffable inspiration trop parfaite pour être confiée à un papier vulgaire ?

Oh ! Remercie-toi toi-même si tu trouves chez moi rien qui vaille la peine que tu le lises ; car quel est l’être assez muet pour ne rien pouvoir te dire, quand toi-même tu donnes la lumière à ton invention.

Sois pour lui la dixième muse, dix fois plus puissante que les neuf vieilles invoquées par les rimeurs : et celui qui t’invoquera produira