Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/48

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 il défit la cuirasse, et la robe de couleur safran,
 et mit à nu les seins polis, et enfin le péplos glissa
 de la taille et laissa voir le secret mystère, celui
 qu'à nul amant Athéné ne montrera, les grands
 flancs froids, le croissant des cuisses, les onduleuses
 collines de neige.
 Ceux-là qui n'ont jamais commis un pêché
 d'amoureux, qu'ils ne lisent point mon poème, car
 leur oreille n'y percevrait qu'un bruit grêle et sans
 harmonie, et n'y trouverait aucun charme. Mais
 vous, dont les joues fanées gardent encore la trace
 d'un sourire, vous qui avez appris ce que c'est
 qu'Eros, vous autres, écoutez-moi encore un
 peu.
 Il resta encore un court instant à contempler de
 ses yeux avides la statue polie, jusqu'à ce qu'à
 force de regarder de telles splendeurs, sa vision
 devînt confuse, et alors ses lèvres affamées de volupté
 se rassasièrent sur les lèvres de la statue, et
 il jeta ses bras autour du cou rond comme une tour,
 et ne se soucia plus de mettre un frein à la volonté
 de sa passion.
 Jamais, me semble-t-il, amant n'eut un rendez-vous
 pareil, car pendant toute la nuit, il murmura
 des mots aussi doux que le miel, et il vit les
 membres au dessin si pur que nul n'avait touchés,
 et sans que rien l'en empêchât, il baisa le corps