Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/12

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étincelante sous le soleil, un peu avant la marée haute, comme je l’avais vue dans la nuit, luisante sous la lune.

Je n’avais pas secoué le sentiment d’oppression de la veille, et, où que j’eusse été, je n’aurais pas été pleinement conscient du lieu ; il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que je me sentisse plutôt embarrassé, malgré la vue familière de la Tamise. Et puis je me sentais étourdi et bizarre ; et, me rappelant que souvent les gens prennent un bateau et vont nager en plein courant, je me dis que c’était ce que j’allais faire. Il semble qu’il soit de très bonne heure, me dis-je, mais sans doute je trouverai quelqu’un pour me prendre à Biffin. Pourtant, je n’allai pas jusqu’à Biffin, je ne tournai même pas vers ma gauche pour y aller, car, à ce moment même, je m’aperçus qu’il y avait un ponton d’abordage juste en face de moi, devant ma maison, — de fait, à l’endroit où mon voisin en avait installé un, qui ne ressemblait pas tout à fait à celui-là. J’y descendis, et naturellement, parmi les bateaux vides qui y étaient amarrés, un homme était étendu sur ses avirons dans un bateau de solide apparence, évidemment à l’usage des baigneurs. Il me fit un signe de tête, et me souhaita le bonjour comme s’il m’eût attendu ; je sautai donc sans dire un mot, et il pagaya au large tranquillement, tandis que je me dépouillais pour me mettre à la nage. Je regardai l’eau et ne pus m’empêcher de dire :

— Comme l’eau est claire ce matin !

— Vous trouvez ? je ne l’ai pas remarqué.