Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/103

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sant. Nous arrivons ainsi, au bout d’un temps suffisamment long, à l’état actuel du système de la Terre et de la Lune.

L’action des marées sur la matière plus ou moins visqueuse du globe terrestre a dû produire, en outre, des effets collatéraux. Le couple de frottement de la marée, d’où résulte le ralentissement du mouvement de rotation, n’a pas la même valeur aux diverses latitudes ; la protubérance de la marée est surtout équatoriale, et, par suite, la Lune tend à retarder la rotation des régions équatoriales du globe plus que celle des régions polaires. De là dans la masse totale un mouvement de torsion, d’où résulte un mouvement lent de l’ouest vers l’est des régions polaires par rapport à l’équateur. Cette action est aujourd’hui excessivement faible et n’a certainement laissé aucune trace sensible de son effet dans les dernières périodes géologiques. Mais il se peut qu’elle ait eu une certaine importance à l’époque où la Terre était encore presque fluide, et où la Lune était beaucoup plus voisine de la Terre ; et M. Darwin n’est pas éloigné de lui attribuer la forme de nos grands continents, il croit aussi trouver l’indice d’une semblable action dans la configuration des îles et des canaux de Mars, tels que les a dessinés M. Schiaparelli. Mais il ne faut pas donner à ces remarques plus de valeur que ne leur en attribue l’Auteur lui-même.

Une deuxième conséquence du frottement des marées est que l’énergie du système va en diminuant ; mais le principe de la conservation de l’énergie oblige à admettre que la portion perdue reparaît sous forme de chaleur. M. Darwin a consacré un chapitre important de ses recherches à la détermination de la chaleur engendrée par le frottement dans l’intérieur d’un sphéroïde visqueux tordu par l’action des marées. Il en résulte que la portion de beaucoup la plus grande de cette chaleur est engendrée dans les régions centrales. Si la Terre et la Lune ont passé par les périodes successives que suppose M. Darwin, la chaleur ainsi produite suffirait à porter la masse entière de la Terre à 3000° Fahrenheit, en lui supposant la chaleur spécifique du fer, et cette chaleur suffirait à un refroidissement se faisant suivant la loi actuelle pendant 3 600 millions d’années. Il semble donc au premier abord que cette prodigieuse quantité de chaleur pourrait être regardée comme l’origine de la chaleur centrale ; mais, en réalité, elle ne saurait produire un accroissement actuel de la température du sous-sol supérieur à