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L’énorme planète Jupiter tourne sur elle-même en dix heures environ ; son axe est presque perpendiculaire au plan de l’orbite ; trois de ses satellites font leur révolution en sept jours au plus, le quatrième n’a encore qu’une période de 16j 16h. Tous ces caractères sont ceux d’une planète beaucoup moins avancée en âge que la nôtre. Cette lenteur de l’évolution tient d’une part à la grandeur de la masse de Jupiter et à la petitesse relative des satellites, qui n’ont soulevé sur la planète que des marées insignifiantes, incapables de modifier rapidement leurs orbites ; et d’autre part à l’éloignement du Soleil, qui n’a pu aussi retarder que très lentement la rotation de la planète. Cette diminution de l’action retardatrice du Soleil est l’explication de la vitesse de rotation dont sont douées les grandes planètes, tandis que les plus voisines du Soleil tournent plus lentement sur elles-mêmes.

Saturne est dans le même cas que Jupiter, mais il présente certaines particularités difficiles à expliquer. Sa rotation rapide, l’existence de l’anneau, la brièveté de la durée de révolution des satellites intérieurs, tout cela indique une période d’évolution encore peu avancée ; tandis que la grande durée de révolution des satellites extérieurs et la forte inclinaison de l’équateur sont des indices d’un âge plus avancé. Il semble difficile d’admettre, puisque les plans de l’anneau et des orbites des satellites sont en général voisins de l’équateur de la planète, que l’inclinaison de ce dernier plan puisse résulter uniquement de l’action des marées ; c’est une remarque que j’ai déjà faite plus haut. Aussi M. Darwin est-il porté à croire à l’existence d’une obliquité primitive, produite à la naissance même de la planète par des causes différentes de celles qu’il invoque pour expliquer l’obliquité des équateurs des corps voisins du Soleil. À plus forte raison, faut-il renoncer à trouver dans l’action des marées la cause de la position singulière des axes de rotation d’Uranus et de Neptune, qui reste jusqu’à présent complètement inexpliquée.

L’introduction de l’action des marées dans l’évolution du système planétaire me paraît être un fait d’une notable importance, et j’espère que l’analyse très incomplète que je viens de faire des travaux de M. Darwin, en essayant de traduire en langage ordinaire les résultats de recherches ma thématiques fort complexes et très ardues, donnera à nos jeunes Géomètres le désir de connaître et d’appré-