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cier à sa juste valeur une cause de perturbation des mouvements des astres dont la Mécanique céleste de Laplace n’a tenu aucun compte. Sans doute les théories de M. Darwin laissent intacts les points fondamentaux de l’hypothèse nébulaire ; elles ne touchent ni à la genèse des planètes, ni même à celle des satellites des planètes extérieures. Mais elles nous indiquent l’existence d’une cause qui a pu et qui a dû modifier considérablement l’état primitif très simple du système et y introduire ces excentricités et ces inclinaisons qui en altèrent aujourd’hui la simplicité et la régularité originelles. Dans le cas particulier de la Terre et de la Lune, qui a toujours embarrassé les auteurs des hypothèses cosmogoniques et les a forcés à introduire des suppositions spéciales, M. G. Darwin montre que l’action des marées a dû jouer un rôle très important et sans doute le plus important, si bien que la considération de cette seule action a pu le conduire à rendre compte de l’état actuel du système terrestre, et à établir des relations nécessaires de grandeur entre les durées actuelles du jour et du mois, l’obliquité de l’écliptique et l’inclinaison et l’excentricité de l’orbite lunaire. Il faut remarquer que, si ce résultat a été obtenu en supposant la Terre à l’état visqueux et subissant par l’action des marées des déformations de toute sa masse, les mêmes effets se produiraient à fort peu près, quelle que soit la nature de la marée qui engendrerait les frottements.

Mais la théorie de l’évolution du système terrestre, telle que l’expose M. Darwin, le conduit à un énoncé qui suffirait à rendre impossible la conciliation de cette histoire particulière avec l’hypothèse nébulaire. Il a fallu au minimum 54 millions d’années à l’action des marées pour amener la Lune de sa position primitive où elle s’est détachée de la Terre, déjà fort avancée en âge, à la distance où elle se trouve aujourd’hui. L’estimation de la chaleur engendrée par la condensation totale de la nébuleuse solaire montre que la durée du système complet ne peut dépasser 30 millions d’années. Il y a donc incompatibilité entre l’hypothèse nébulaire et la théorie de M. Darwin, si l’on veut suivre celle-ci jusque dans ses dernières conséquences, et supposer avec cet auteur que la Lune s’est détachée de la Terre, à une époque où celle-ci était un globe de 8 000 milles de diamètre.

Pourrait-on concilier les deux hypothèses, en faisant remonter